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Les Amis des Roses, 2. trimester 1977, p. 17-18:] A la limite occidentale de Madrid, sur la pente qui descend vers le bassin du Manzanarès, deux parcs importants, le parc de Rozalès et le parc de l'Ouest, offrent aux promeneurs leurs ombrages, leur verdure, leurs fleurs et leurs allées sablées. Tout le long de la promenade il y a même des buvettes entourées de tables et de chaises invitant au repos et, de cette terrasse naturelle, la vue surplombe les jardins qui descendent jusqu'au fleuve. C'est dans la partie basse, qui en était l'endroit le plus abandonné, que Ramon Ortiz créa la grande roseraie qui porte aujourd'hui son nom. C'est certainement l'œuvre la plus remarquable de cet élève du célèbre paysagiste Forestier, le créateur de la roseraie de Bagatelle à Paris et du parc Marie-Louise à Seville. Commencée en 1954, elle fut inaugurée en 1956, ce qui reste inexplicable pour ceux qui connaissent l'importance des travaux qu'elle a exigés : mais elle avait été si longuement, si soigneusement pensée, qu'il n'y avait plus qu'à l'exécuter lorsque ceux-ci furent entrepris. Des arbres d'essences diverses allaient former pour elle un écrin de verdure d'une telle beauté qu'il appelait un bijou et Ramon Ortiz l'y déposa sous la forme d'une roseraie. Avec une imagination débordante et une maîtrise absolue, il allait créer dans un tracé classique le jardin de roses le plus libre qui soit. C'était l'aboutissement de toute une vie de recherches et de réflexion. Une promenade dans cette roseraie est aujourd'hui un don du ciel. Tout ce qu'on attend d'un rosier y est généreusement offert et il semble que la nature ait voulu récompenser tant d'efforts, car nulle part ailleurs les rosiers ne fleurissent avec une telle exubérance. Des arceaux formant des voûtes croulent sous une profusion de fleurs, des rosiers grimpants enserrent de leurs bras souples et fleuris d'élégantes colonnades ou bien escaladent des pergolas qu'ils recouvrent de feuillages et de fleurs. On va d'enchantements en enchantements. C'est un déferlement de couleurs. On ne voit que des roses; à vos pieds ou suspendues dans le ciel : partout, elles s'offrent à vous. L'ombre elle-même se teinte de leurs nuances, et l'air se fait plus doux, chargé de leur parfum. C'est une fête indiciblement belle, une fête peut-être vouée au culte païen de l'admirable statue qui la domine de son bassin d'écume où baignent ses pieds nus. C'est Amphitrite en sa conque d'argent, ou Vénus, ou quelque nymphe attardée ici bas, ou rien de tout cela. Ce que l'on sait seulement, mais sûrement, c'est qu'on doit cette œuvre, bien près du chef-d'œuvre, au sculpteur Fédérico Coullant Varela. Elle apparaît, sur un fond de verdure, dans une eau jaillissante aux reflets irisés dont le chant ne se tait ni le jour, ni la nuit Et, luxe suprême, cette radieuse image, et tout ce qui l'entoure, se reflète dans un immense miroir d'eau disposé à ses pieds. Cette rosaleda, entretenue aujourd'hui avec soin par Don José Luis Pita Romero, directeur des jardins de la ville, est certainement un des joyaux les plus purs que Madrid offre à ses visiteurs.